samedi 19 septembre 2009

Can: "Deadlock" (1970, Soundtracks)



Très souvent citée comme influence majeure par les groupes de rock progressif, noisy ou expérimental de ces 30 dernières années, Can a composé entre 1969 et 1979 une douzaine d´albums particulièrement indispensables. Sur son premier disque, le groupe allemand basé à Cologne fait appel à un crooner noir américain particulièrement dépressif et conflictuel qui s´en ira - sur les conseils de son psychiatre - juste après la sortie du premier album "Monster Movie". C´est alors que les musiciens de Can repèrent Damo Suzuki, jeune aventurier japonais errant en Europe, en train de chanter dans un café de Munich. Le soir même il se produira en concert avec le groupe. De toute facon Suzuki n´aime rien tant que l´improvisation; y compris lors des enregistrements studio. Il chante souvent en anglais, parfois en japonais. Doté d´un charisme bizarre, il s´embarque souvent dans des délires vocaux particulièrement inquiétants dont le paroxysme sera atteint sur "Tago Mago", double album complexe et passionnant sorti en 1971, considéré aujourd´hui encore comme la véritable pierre angulaire du Krautrock.



Psychédélique et démoralisé, "Deadlock" est un cri tout autant qu´une expérience. Une guitare stridente semble gémir tout le long du morceau et plusieurs fausses notes viennent ponctuer cette performance live complètement hallucinée. Le public semble partagé entre adoration, consternation et effroi. Les paroles n´ont aucun sens, pourtant Suzuki paraît plus habité que jamais.

Il restera quatre ans au sein de Can, avant de se convertir Témoin de Jéovah et de stopper toute activité musicale pendant dix ans. Can s´orientera après son départ vers un style plus instrumental, hypnotique, ethnic ou ambient, mais toujours aussi radical dans sa singularité.

dimanche 13 septembre 2009

Marillion: "The Party" (1991, Holidays in Eden)


On a eu raison de juger sévèrement Holidays in Eden à sa sortie en 1991. Cet album, indigeste à bien des égards, était une tentative grossière pour Marillion de conquérir le grand public. Après plusieurs albums encensés par la critique mais ayant joui d´un succès relatif en terme de ventes, les anglais allait tenter le gros coup: un album aux tonalités et aux structures pop, recelant ce qu´ils pensaient être un grand nombre de tubes potentiels radiodiffusables. Nonsense pour le band le plus prometteur de la vague néoprogressive des 80´s. Et sanction logique: Marillion n´a bien entendu pas réussi a conquérir les masses et a dans le même temps bien faili perdre ses cohortes de fans si durement fidélisés.

Ce sixième album studio et deuxième seulement de l´ère post-Fish avec Steve Hogarth au chant n´est pourtant pas à jeter. Car l´on passerait à côté de deux morceaux cruciaux, annonciateurs des deux disques suivants, qui allaient - eux - devenir cultes: Brave (1994) et Afraid of Sunlight (1996). Je veux parler de l´hypnotique
" et de "The Party", morceau à la fois ample et intimiste; pudique et cru; symphonique et par certains aspects pourtant presque minimaliste.
Faussement bien elevé, "The Party", dépeint en réalité le dépucelage banal d´une adolescente de la banlieue londonienne lors de sa première "boum", le tout sur fond d´effluves de drogue et d´alcool. Pas de moralisme et pas non plus d´empathie envers le personnage principal, le texte d´Hogarth est aussi impersonnel et froid que son chant est au contraire puissamment émotionnel, démontrant comme souvent une capacité tout à fait troublante à conjuguer le clair avec l´obscur, à lyriciser le banal. Au fur et à mesure que le morceau se développe, la tension augmente pour atteindre une zone de faux équilibre qui éclate ensuite douloureusement par un solo de guitare paroxystique bien que particulièrement avare en notes, et qui lui même s´éteint dans un final en deux temps; symphonique puis intimiste. Pas de refrain dans cette petite pièce de musique qui multiplie les faux-semblants et les fausses-pistes, mais le charme fou des oeuvres majeures qui jouent à se déguiser en anecdote. Dix-huit ans après sa création, tout indique que "The Party" demeure l´un des secrets les mieux gardés de l´imposante discographie des elfes d´Ailesbury.