vendredi 20 août 2010

Christian Death: "Deathwish" (Deathwish, 1981)



Désigné par plusieurs éminents spécialistes du mouvement gothique comme le groupe le plus important de tous les temps, Christian Death s´avère être une réalité particulièrement difficile à appréhender pour les profanes. Fondé à Los Angeles en 1979 par Rozz Williams au chant et Rikk Agnew à la guitare, la formation existe toujours en 2010, bien que ne comportant plus aucun membre du line-up original. Et pour cause: Si Agnew n´a en fait joué que sur le premier album (le mythique "Only Theatre of Pain") et quitté le groupe en 1981, Rozz Williams s´est lui suicidé en 1998 au terme d´une décennie particulièrement douloureuse pour lui, qui a vu dans un premier temps Christian Death splitter fin 1985, puis reprendre vie de manière totalement surréaliste sous la forme de deux groupes ennemis, - l´un sous son égide, l´autre emmené par le vénéneux Valor Kand, - portant rigoureusement le même nom et sortant des albums presque simultanément.


"Only Theatre of Pain" ainsi que le EP "Deathwish" constituent la pierre philosophale du death rock. Très homogènes, les morceaux composés pour ces disques sont en réalité de sombres comptines entêtantes empreintes de romantisme punk. Le chant de Rozz, classieux - presque maniéré - contraste efficacement avec les lignes mélodiques particulièrement brutes des morceaux, renforcées par une distorsion très original de la guitare et surtout les thèmes abordés dans les textes, qui évoluent entre descriptifs d´amours perverses et apologie du satanisme.

Emblématique de la première époque de Christian Death (pre-Valor), le titre Deathwish est un brûlot définitif, concis, entêtant et tragique qui continue à exercer une puissante fascination 30 ans après sortie.

dimanche 2 mai 2010

Sonic Youth: "Kool Thing" (Goo, 1990)


Même si sa légende est plus vivace en Europe qu´aux Etats-Unis, Sonic Youth est l´un des groupes les plus importants du mouvement post-rock. Questionnant radicalement les conventions d´un certain rock mort au début des années 80, le Youth est à la fois un acte de rébellion et une proposition nouvelle. Déconstructeurs du rock à la Beatles, l´expérience Sonic prend la forme d´un art puissamment figuratif autant influencé par la peinture contemporaine que par la street-culture, les bruits et les couleurs de New-York. Si leur influence a été maximale dans la décennie 86-96, surtout paradoxalement sur des formations West Coast telles Nirvana, Pavement ou The Breeders, Sonic Youth s´est ensuite employé avec succès à faire fructifier son art, sortant à un rythme de métronome un album tous les deux ans jsuqu`à "The Eternal" (2009).

L´album "Goo" (1990), le premier sur le label Geffen, sort juste après le cultissime "Daydream Nation" (1988) et avant "Dirty" (1992). Cette période est celle de la maturité pour Sonic Youth, dont les essais précédents (de l´album éponyme de 1982 à "Sister" en 1987), s´ils sont remplis de fulgurances, sont aussi globalement moins homogènes. "Goo", c´est une pochette, un art style, une attitude, et un âge: l´adolescence. A ce titre, il est bluffant de constater que les membres de Sonic Youth, aujoud´hui largement quinquagénaires (à l´exception du batteur Steve Shelley), ont gardé une allure incroyablement teenage.

Kool Thing est un single nerveux et sexy, très new-yorkais. Tout aussi excitant dans sa version studio qu´en live, le morceau est porté par la voix blanche de Kim Gordon mélangée aux guitares du duo Thurston Moore / Lee Ranaldo qui résonnent comme des sirènes. Et si Steve Shelley fait un boucan d´enfer derrière ses fûts, on est comme toujours en dérapage 100% contrôlé. S´il existe évidemment une part d´improvisation chez Sonic Youth, elle précède toujours le processus créatif. Une fois un morceau conçu, les dissonances, distorsions et autres larsens deviennent des éléments constitutifs de l´œuvre, qui sera toujours réinterprétée telle quelle. En cela, Sonic Youth est également plus proche du peintre que du rocker.

samedi 6 mars 2010

King Crimson: "Starless" (Red, 1974)


KING CRIMSON - STARLESS (Complete)
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Pour un certain nombre de bonnes raisons, King Crimson est un phénomène à la fois aussi important dans l´histoire de la musique que difficile à appréhender. Si la formation britannique fondée en 1969 connut un succès immédiat avec son premier album In the Court of the Crimson King, considéré comme la véritable pierre philosophale du rock progressif, le groupe va opérer une mue artistique des plus déconcertantes tout au long des 40 années suivantes.


In the Court of the Crimson King

King Crimson connut en fait trois périodes d´activités: 1969-1974 puis 1981-1984 pour une trilogie controversée (Discipline, Beat, Three of a Perfect Pair) puis 1994-2003 avec à nouveau une série - cette fois extrêment radicale - de trois albums (Thrak, ConstruKction of Light, The The Power to Believe). La seule constante est la présence de Robert Fripp, architecte-guitariste d´un groupe, qui utilisera pas moins de 20 musiciens (essntiellement américains à partir de 1970) et 5 chanteurs différents en seulement 14 albums studio.

Sorti en novembre 1974, Red marque donc la fin de cette première période. Le groupe annoncera sa séparation deux mois avant la sortie de l´album ; il n´y a donc pas eu de tournée. Vénéré autant par la critique que par les musiciens (jusqu´à Kurt Cobain), Red est constitué de seulement cinq morceaux tous très originaux et réussis (ne surtout pas manquer « Fallen Angels » et « Red » !), opérant une sorte de fusion post-moderne de jazz et de progressif, porteur d´une radicalité nouvelle qui s´exprimera de facon claire seulement une vingtaine d´années plus tard sur les albums Thrak (1995) et The ConstrucKtion of Light (2000) (et aussi dans l´intervalle sur de nombreux side-projects de Robert Fripp).



« Starless » est le morceau phare de l´album. S´il est de fait éxécuté par quatre musiciens, King Crimson (comme en atteste la pochette) est à ce moment précis "psychologiquement" un trio constitué de Robert Fripp à la guitare, John Wetton au chant et à la basse, et de Bill Brufford à la batterie, que l´on peut voir ici complétement allumé sur la deuxième moitié du morceau. Si le titre démarre comme un sérénade spatiale, sereine et équilibrée, il va progressivement chavirer dans un chaos angoissant et calculé, en ne se défaisant jamais tout à fait de cette tonalité particulière, presque bluesy, qui donne sa couleur à l´album tout entier.

dimanche 31 janvier 2010

Pink Floyd: "Let There be More Light" (A Saucerful of Secrets, 1968)




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Non sans arguments, certains fans du Floyd avancent que le groupe anglais aurait à lui tout seul enfanté plusieurs styles musicaux : l´ambient en 1969 avec Cirrus Mirror, le punk la meme année avec The Nile Song, ou encore la techno dès 1973 avec On the Run. Tous les spécialistes conviendront en tout cas que la période 1966-1973 fut la plus créative de Pink Floyd. Avant le succès de "The dark Side of the Moon", avant "The Wall", avant "The Division Bell". Avant la stéreo. Avant de remplir les stades, avant le split, avant les procès. Bien avant les diques solos et la subite et éphémère reformation de 2006 pour le concert caritatif Live Aid. Bien avant la mort de Richard Wright, il y a un an.

Parmi les adorateurs du pink floyd d´avant 1973, il y a plusieurs clans. Les intellos et les puristes, souvent lecteurs de Rock & Folk, ne jurent que par le premier album "The Piper at the Gates of Dawn", dit "album de Syd Barrett". Les toxicos, eux préfèrent "More" et "Obscured by Clouds". Les fans de rock progressif continuent en 2010 à écouter en boucle "Meddle" (enfin surtout le morceau Echoes) et "Atom Heart Mother". Les amateurs d´expérimentations sonores sont d´ardents défenseurs de "Umma-Gumma". On peut tenter la synthèse et se tourner vers "A Saucerful of Secrets".


Sa pochette en atteste : "A Saucerful of Secrets" est un sacré fourre-tout. L´on y retrouve de nombreux éléments constitutifs de la singularité du Floyd: qualité mélodique, rigueur dans l´expérimentation, spiritualité maitrisée. Les plus grands moments en sont indiscutablement A Saucerful of Secrets et Set the controls for the heart of the sun, longues odysées sciences-ficionnesques introspectives et fortement addictives. On y trouve aussi de sérieuses réminiscences pop du premier album: Remember a day, Corporal Clegg ou Jugband Blues.

Qu´est-ce qu´on aime tant dans Let There be more Light ? Un peu tout en fait: son intro originale, sa ligne mélodique orientalisante, son chant halluciné, ses couplets de douze secondes, ses textes à dormir debout, son refrain qui lance des éclairs et son finish chaotique.