dimanche 20 novembre 2011

The Cure - "Kyoto Song" (1985)

Comment expliquer qu´une formation aussi intègre et tourmentée que The Cure soit devenue l´un des plus gros vendeurs de disques sur les 5 continents, tutoyant pendant presque une décennie les niveaux de succès rencontrés par U2 ou Dépêche Mode ? Plus de 30 ans après les débuts discographiques de la bande à Robert (Smith), le mystère reste entier. Rien ne semblait prédestiner The Cure, formé à la fin des 70´s dans la sinistre ville de Crawley, lointaine banlieue grisâtre de Londres, au succès international.

The Head on the Door sort en 1985, au beau milieu d´une série de 7 albums studio grandioses (1980-1989). De Seventeen Seconds, second album du groupe, dont la cold pop synthétique lance véritablement les années 1980, jusque Disintegration (1989) qui en constitue probablement l´un des testaments les plus aboutis, The Cure n´a livré que des chefs-d´œuvre, se payant le luxe de ne jamais faire deux fois le même disque, oscillant entre cold wave, dark wave, rock gothique, pop voire psychédélisme. Plus pop que ces prédécesseurs, The Head on th Door bénéficiera à plein des succès des singles « In Between Days » et « Close to me », ce qui permettra de faire connaître au plus grand nombre « Sinking » et « Kyoto Song », les morceaux les plus sombres de l´album.

« Kyoto Song » naît de la fusion de deux cauchemars distincts faits par Robert Smith et sa compagne Mary. Celle-ci rêve d´une noyade (la lumineuse entrée A nightmare of you/of death in a Pool/ Wakes me up at 3:45) tandis que lui fait rien de moins qu´un rêve cannibale (le terrifiant refrain It looks good! / It tastes like nothing on earth / (x2) / It’s so smooth it even feels like skin…). La noirceur surnaturelle des paroles contraste en apparence avec la mélodie principale, dans une veine minimaliste, d´une pureté tellement extrême qu´elle en devient troublante. Ainsi, malgré cette simplicité formelle, le pouvoir de fascination de ce morceau singulier, qui, comme les rêves, semble défier les lois de la pesanteur, reste absolument intact, presque 27 ans plus tard.

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Kyoto Song

(Robert Smith)

a nightmare of you of death in the pool
wakes me up at quarter to three
i'm lying on the floor of the night before
with a stranger lying next to me
a nightmare of you of death in the pool
i see no further now than this dream
the trembling hands of the trembling man
hold my mouth to hold in a scream

i try to think to make it slow
if only here is where i go
if this is real i have to see
i turn on fire and next to me...


it looks good! it tastes like nothing on earth
it looks good! it tastes like nothing on earth
its so smooth it even feels like skin
it tells me how it feels to be new

it tells me how it feels to be new
a thousand voices whisper it true
it tells me how it feels to be new
and every voice belongs
every voice belongs to you


dimanche 18 septembre 2011

My Dying Bride: "The Cry of Mankind" (1995)




Le doom (c´est-à-dire littéralement « condamnation ») est l´une des nombreuses ramifications du heavy metal. Sa caractéristique première est une ambiance musicale désespérée jouée sur un tempo traditionnellement lent. Si le premier morceau doom fut sans conteste composé par Black Sabbbath (avec le cultissime et éponyme morceau « Black Sabbath », 1970), ce genre demeura ensuite dans une semi-léthargie pendant une petite vingtaine d´année, - malgré les efforts notables dans les années 80 de formations telles que Candlemass, Pentagram ou Saint Victus -, avant de connaître un revival fracassant dans les 90´s avec la percée auprès d´un large public de Paradise Lost et Anathema.

Moins connu que ses compatriotes britanniques, My Dying Bride reste clairement aux yeux des spécialistes la référence ultime en matière de doom metal, ayant composé les deux albums peut-être les plus cruciaux du style : « Turn Loose the Swans » (1993) et « The Angel and the Dark River » (1995). La formation, toujours en activité malgré de nombreux changements de line-up, a composé encore 8 albums studio entre 1997 et 2011, faisant assez largement évoluer son style, tout en conservant un haut niveau d´intégrité.

Aussi inspiré que son prédécesseur, « The Angel and The Dark River » mixe toujours le symbolisme religieux à une réflexion sur la difficulté de communiquer. Très homogènes, les 7 morceaux qui composent ce chef d´œuvre ne se livrent pourtant pas facilement, notamment en raison de leur durée. En effet, le titre le plus court, le déprimé « A Sea to Suffer In » dure tout de même plus de 6:30, tandis que la grande fresque inaugurale « The Cry of Mankind » dure elle plus de 12 minutes.

Ce morceau, que je vous propose ici dans une version raccourcie (les puristes retrouveront la version originale ), est comme l´indique son titre une longue complainte lancinante et désespérée, une puissante ode à la résignation. Les deux lignes mélodiques superposées tout le long du morceau lui confèrent un étrange pouvoir addictif. Comme sur les autres titres de l´album, le charismatique vocaliste Aaron Stainthorpe, volontiers adepte de postures christiques sur scène, distille par son chant lancinant des ambiances oppressives et nous dépeint un monde sans aucun espoir.

dimanche 12 juin 2011

Lacrimosa: "Vermächtnis der Sonne" (1995)



Lacrimosa est le nom du projet crée en 1990 par le compositeur et chanteur allemand Tilo Wolff et la contralto finlandaise Anne Nurmi, qui officiait jusque-là au sein de la formation gothique Two Witches. Vingt-et-un ans et dix albums studios plus tard, Lacrimosa est sans conteste l´un des groupes phares de la scène métal gothique, étant parvenu à imposer son romantisme obscur et exigeant, devenu de plus en plus symphonique au fil des ans. Connu mondialement, le groupe jouit d´une renommée particulière au Mexique, au Japon ou encore en Espagne.

Angst et Eisemkeit, sortis en 1990 et 1991, choquent encore aujourd´hui par leur absolue noirceur. Minimalistes, désespérés, et pour tout dire assez malsains, des morceaux comme « Seele in Not » ou « Reissende Blicke » n´en demeurent pas moins d´authentiques chefs d´œuvre. Mais c´est en 1992 que se produit la mutation : délaissant les ambiances darkissimes de ses débuts, Lacrimosa opte pour un style symphonique et plus rythmé. Cette approche hybride combinant la dimension intellectuelle et émotionnelle du gothique au lyrisme des arrangements de cordes et l´énergie du metal ne livrera que d´excellents albums, tels que Stille (1997), Fassade (2001), Lichtgestalt (2005). Et un chef d´œuvre absolu : Inferno (1995).
Sur ce 4ème album studio, l´énergie créatrice de Tilo Wolff est à son apogée, et nous livre huit morceaux à la fois indissociables les uns des autres et formidablement originaux. « Copycat » est une OVNI metal frisant la perfection, « Kabinett der Sinne » une magistrale tentative de fusion gothic / doom / prog, « No blind eyes can see » un chef d´œuvre de nostalgie féminine et vénéneuse. Et bien sùr « Vermachtnis der Sonne », dont la singularité continue de fasciner les nombreux Lacrimofans, aux quatre coins du globe.

dimanche 3 avril 2011

The Legendary Pink Dots: "Golden Dawn" (1985)



Anglais émigrés aux Pays-Bas dès le début des années 80, The Legendary Pink Dots est une formation qui cumule les singularités. Stakhanovistes absolus, la bande du mystérieux Edward Ka-Spell aurait sorti près de 40 albums studio depuis 1981, et un nombre à peu près identiques de side projects. Tour à tour cold-wave, psychédélique, minimaliste, pop, industrielle et expérimentale, la musique des Dots donne dans l´éclectisme le plus radical. Si la démarche reste profondément underground, le relatif succès commercial rencontré entre la fin des années 80 et le début des années 90 a permis au groupe de se professionnaliser davantage et d´arpenter depuis et sans relâche les clubs d´Europe de l´Est comme de l´Ouest, mais aussi la Russie et les USA, où il jouit d´une certaine réputation. Dans les méandres d´unse discographie des plus complexes, on peut retenir par exemple "Poppy Variations" (2004), Nemesis Online (1998), Hallway of the Gods (1997). Quand aux 12 premiers opus sortis entre 1982 (Brighter Now) et 1993 (Malachai), c´est bien simple: ils sont à peu près tous cultes.


Sorti en plein milieu des années 80, Asylum porte particulièrement bien son nom. Principalement cold-wave et exprérimental sur la forme, il s´agit véritablement d´un cauchemar esthétique et délirant dont il n´est pas aisé de se défaire. Quelques morceaux en apparence plus légers tels "Echo Police" ou "The Hill" donnent la réplique aux monuments que sont les cauchemardesques "So Gallantly Screaming", "Go Ask Alice" et ses bandes inversées à donner le tournis, et le sépulcral, interminable et définitif "This Could be the End".

"Golden Dawn" constitue un autre cas complexe. Niant toute référence à la société secrète multi-séculaire Hermetic Order of the Golden Dawn, Ka-Spell nous conte une fable romantique pourtant assez largement ésotérique, oú une relative économie de moyens et d´effets permet d´approcher le merveilleux.

dimanche 9 janvier 2011

The Sisters of Mercy : "Black Planet" (First..., 1985)


Comme tous les groupes emblématiques de ce style musical, the Sisters of Mercy s´est toujours défendu d´être gothique. Un paradoxe parmi d´autres pour cette énigmatique formation londonienne, en activité depuis 1980, qui n´a réalisé que 3 albums studio en tout et pour tout (le dernier datant de 1990 !), tout en continuant de se produire en concert à intervalles réguliers. Un choix étrange, entre ascétisme studio et mercantilisme live. Pas étonnant dans ces conditions que le nom Sisters of Mercy puisse designer aussi bien un ordre religieux que des prostituées !

First & Last & Always sort en 1985. C´est officiellement le premier album du groupe, qui a pourtant produit un grand nombre de singles et maxi au cours des années précédentes. Réalisé dans des conditions chaotiques en raison de l´abus de drogues du leader Andrew Eldritch et des problèmes personnels des différents membres, le disque bénéficie cependant pour l´époque d´un niveau de sophistication notable dû à la qualité du matériel d´enregistrement. Très homogène, le disque propose un rock sombre et étouffant, porté par une basse ronde et mélodique, une telecaster claire, une boîte à rythme froide et une voix d´outre-tombe contant des fables d´une noirceur radicale.

Black Planet ouvre l´album tout en grâce. Musicalement très proche de l´essence même de Sisters of Mercy, il s´inscrit dans la tradition de joyaux tels que Marian ou Alice: à la fois rythmé, mélodique et fondamentalement dépressif. Ne surtout pas rater les prochains concerts de Sisters of Mercy à Paris au Trianon, le 5 mars 2011 et à Bruxelles, à L´ancienne Belgique, les 21 et 22 février 2011 !