samedi 12 octobre 2013

Tiamat: "Divided" (Prey, 2003)


Tiamat est une formation créée à Stockholm en 1988 autour de Johann Edlund, dont il est le cerveau depuis l’origine et le seul membre permanent depuis 1995. Toujours en activité vingt-cinq ans après ses débuts, ce groupe majeur du rock gothique a produit au total 10 albums studio de très bonne facture. Si le style musical a évolué de façon radicale au fil des ans, les productions de Tiamat ont en commun un souci constant de qualité en matière de mélodies et d’arrangements. Malgré sa popularité et sa longévité, on sait au final assez peu de choses sur cette formation qui puise son identité et une partie de son inspiration dans la culture sumérienne (trois à quatre millénaires avant notre ère) et la mythologie mésopotamienne. Hermétique par principe, Tiamat est de plus fortement imprégné de symbolisme et multiplie les références rituelles.


Après une période initiale death/doom (1988 – 1991), la formation sort trois albums de metal atmosphériques restés cultes : Clouds (1992), la référence Wildhoney (1994)  et dans un style ultra atmosphérique le magique A Deeper Kind of Slumber (1997). Suivront trois albums très homogènes que l’on peut qualifier de rock: Skeleton Skeletron (19997), Judas Christ (2002) et Prey (2003)… même si les thèmes sous-jacents demeurent particulièrement obscurs voire à certains égards empreints d’une certaine perversité.

Il est important de noter l’influence croissante de Sisters of Mercy mais aussi et peut-être surtout de Pink Floyd sur le travail de johann Edlund. En effet si A deeper Kind of Slumber est truffée de références au Floyd époque Wish you Were Here, le denier morceau de l’album Prey, l’énigmatique "The Pentagram" multiplie lui aussi les clins d’œil à la formation de Roger Waters. Tiamat a d’ailleurs fait son coming-out à la fin des années 90 en reprenant lors de ses concerts le morceau le plus sombre de Pink Floyd, le ritualisant et cosmique « Set The Controls forthe Heart of the Sun ».



"Divided" est un morceau atmosphérique assez représentatif du Tiamat dernière époque. Chanté à deux voix et composé dans une veine radicalement gothique, ce titre se présente comme un pont instable tendu entre l’amour et la mort, théâtre d’une tension croissante se dissipant dans un final éblouissant et particulièrement émouvant.

lundi 5 août 2013

The Stooges : "TV Eye" (Fun House, 1970)



Paradoxalement Iggy Pop est aujourd’hui plus connu que The Stooges, le combo révolutionnaire qu’il a fondé à 20 ans en 1967 à Ann Arbor en banlieue de Détroit et qui produira 3 albums d’anthologie de 1969 à 1973 avant de se reformer au milieu des années 2000. Boudé a ses débuts autant par la critique que le public, le gang du Michigan va devenir culte au fil des décennies. Reconnu tout d’abord comme le vrai fondateur du punk (genre pourtant officiellement né en Angleterre en 1977!), et du grunge (officiellement né à Seattle en 1990), The Stooges se révèlera être une source d’inspiration majeure pour des artistes aussi importants que les Sex Pistols, Sonic Youth ou Nirvana. 

Totalement avant-gardiste pour l’époque, la musique des Stooges combine tempos rock, influences psychédéliques et blues, en y ajoutant une intensité maximale, sexuelle et animale. Sur scène, Iggy choque ses contemporains par ses multiples excentricités : stage-diving, auto-mutilation et exhibitionnisme, étant, tout comme les autres musiciens du groupe très fortement dépendant à l’héroïne. Si l’on rapporte que la moitié des titres du premier album (« The Stooges », 1969) furent composés la veille de l’entrée en studio, ils sont presque tous devenus cultes. I Wanna be your Dog, peut-être le premier morceau de heavy-metal de l’histoire, a été repris depuis par des centaines de musiciens, y compris David Bowie, Nirvana, Slayer, Sex Pistols, Joan Jett, Sonic Youth et Hole. Par ailleurs 1969, No Fun, Real Cool Time sont aujourd’hui considérés comme de véritables chefs d’œuvre.


« Fun House », sorti un an plus tard, enfonce le clou avec 7 titres définitifs, dans la lignée du premier album. 1970, Down on the Streets ou Loose sont devenus des standards, tout comme TV Eye, le pendant de I Wanna be your Dog sur ce nouvel album. Un riff heavy-blues inspiré et entêtant asséné jusqu’à plus soif, marié à une prestation vocale brute. Ultra-physique, organique, voire orgiaque, c’est un titre emblématique des Stooges, proto-heavy et proto-punk. 

43 ans avant que Motor City ne fasse officiellement faillite, de jeunes prolos frustrés et déjà déglingués annonçaient à leur façon la fin du taylorisme et de la production de masse, en tout cas pour la musique.


mercredi 6 février 2013

YEARNING : "Release" (1997)


YEARNING : present participle of yearn (Verb) : Have an intense feeling of loss or lack and longing for something.


J’ai découvert Yearning à l’âge de 16 ans en 1994, lorsque la formation finlandaise se nommait encore Flegeton. Elle venait de sortir sa première démo commerciale 4-titres The Temple of Sagal. J'ai immédiatement été saisi par cette tonalité si particulière qui sera l’une des caractéristiques principales du groupe : un metal lent et mélancolique (doom) hésitant toujours entre contemplation et résignation.

Rapidement signée sur le label français Holy Records, la formation publiera cinq album de 1997 à 2007 sous le nom Yearning. Si With Tragedies adorned (1997) et Plaintive Scenes (1999) sont deux purs chefs d’œuvre, Frore Meadow (2001) est un excellent disque et les deux derniers Evershade 2003 et Merging into Landscapes (2007) demeurent hautement recommandables.


En tout, Juhani Palomaki, cerveau du groupe, composera une cinquantaine de morceaux avec Yearning, dont une bonne moitié peut être considérée comme culte. La musique du groupe s’est peu à peu détachée de ses dernières références rock pour se rapprocher des sensations inspirées par les espaces, les températures et les lumières si particulières de la Scandinavie. Ces musiciens de l’extrême nord de l’Europe par définition n’ont pas de souci matériel et vivent dans une société largement déchristianisée et aseptisée, régie autour d’un certain consensus politique. Leur musique, loin des préoccupations sociales et du sentiment d'injustice, reflète alors une certaine tension entre l’espace et le temps, le corps et l’esprit, le tout comme flottant dans un climat hostile.

Johani Palomaki sabordera Yearning en 2008 pour fonder Colosseum. Fini la quiétude des paysages finlandais et les mélodies empreintes d’une douce tristesse: Colosseum constitue une tentative ultime de se rapprocher de la mort, en déployant un funeral doom des plus dark aux accents quasi suicidaires.

Palomaki sera retrouvé mort le 15 mai 2010 à l’âge de 33 ans, dans des circonstances non communiquées par sa famille et ses amis. Sa vie aura pris la direction d’une tangente accélérée vers une mort peut-être préparée. Avec style.