dimanche 23 novembre 2014

Gong : "I Never Glid Before" (1971)



Les spectateurs venus assister au concert de Gong le 15 novembre 2014 au Metronum à Toulouse ont mis quelques minutes à se rendre compte de la singularité de la situation. Si la quasi-totalité des dates de la tournée avaient été annulées en raison des problèmes de santé du fondateur du groupe l'australien Daevid Allen, 77 ans au compteur, celle-ci avait était maintenue. Mais Daevid Allen n 'était pas là, et ce soir-là Gong rejoignit alors le club très privé (DeepPurple, Christian Death, Foreigner,...) des groupes ayant survécu à l'extinction totale du line-up originel. En effet, alors que Gong existe depuis 1967, aucun des musiciens sur scène n'avait intégré le groupe avant 2007 !



Gong est plus qu'une formation, il s'agit d'un collectif de musicien qui généra quantité de side-projects utilisant parfois le nom Gong, plus souvent des noms connexes comme Planet Gong, New-York Gong, Gong Maison, etc. En incluant compilations et albums live, on dénombre pas moins de 60 albums en 47 ans (!) dont seulement 12 albums studio sont imputables au gong « canal historique ». Cette branche aura livré 7 excellents albums studio entre 1970 et 1976 puis cinq autres de 1992 à 2014. Il s'agit pour l'essentiel de concepts-albums racontant les tribulations délirantes d'un héro nommé Zéro le Héro dans un espace temps distordu.



Psychédélique, jazzy et space-rock, la musique de Gong se distingue de l'orthodoxie de l'école jazz-rock dite "de Canterbury" (Caravan, Soft Machine, Camel) par une approche moins cérébrale et plus fantaisiste. Chez Gong, le jazz-rock est considéré comme un moyen et non comme une finalité. Si Camembert Electrique (1971) est vu comme le meilleur album, la trilogie Flying Teapot / Angel's Egg / You (1973/1974) s'avère particulièrement inspirée et recommandable. Tout comme, chose surprenante, le tout dernier album, I see you, paru cette année et qui renoue de façon brillante avec les origines et l'esprit originel du space-rock. Sur album comme sur scène. Avec ou sans membre original.

dimanche 2 novembre 2014

Mogwai : "Rano Pano" (2011)



Mogwai est un groupe écossais devenu particulièrement important au sein de la scène rock de ces vingt dernières années. Hyper-précoce et  rapidement affublée des mystérieuses étiquettes de groupe post-rock voire math-rock, la sextette de Glasgow est devenue une référence dans le monde de l'indie dès la sortie de Young Team en 1997, le premier de leurs huit albums studio, tous considérés aujourd'hui comme des classiques contemporains.  


 Si leurs compositions sont presque exclusivement instrumentales, il s'agit en revanche de vrais morceaux qui ne lorgnent qu'exceptionnellement vers l'expérimental.  La musique de Mogwai intègre clairement l'héritage de Joy Division, de Sonic Youth et de Slint, groupe culte underground auteur de seulement deux albums mais considéré comme le fondateur... du post-rock et du math-rock, donc. Mogwai n'est ni punk, ni rock, ni goth, ni électro, ni noisy, ni indus mais propose une synthèse nouvelle de ces styles.



Les mélodies se situent le plus souvent dans une certaine neutralité, refusant de choisir entre les tonalités classiquement mineures du goth et du metal et les gimmicks naïvement happy d'un certaine pop rock. De ce point de vue, la philosophie de Mogwai se rapproche des productions les plus récentes de King Crimson, en moins expérimental. Parfaite illustration de ce positionnement revendiqué et parfois troublant pour l'auditeur, "Rano Pano" constitue un véritable exercice de style qui n'a pour autant rien de vain. Volontiers lancinant et exécuté dans une tonalité inhabituellement grave, le morceau oblige l'oreille à un exercice qui requiert une attention soutenue. Un peu comme résoudre un exercice de math. Ah, ce serait donc ça le math-rock ?

dimanche 31 août 2014

Soundgarden : "Jesus Christ Pose" (1991)

 

Soundgarden aurait dû être LA grosse attraction du grunge rock, genre qu'il avait largement contribué à fonder. Créée dès 1984 à Seattle, la quartette menée par Chris Cornell atteint à la fin de la décennie 80 le statut de leader incontesté de la scène rock locale, qui compte alors parmi ses membres les plus éminents Nirvana, Alice in Chains ou encore Pearl Jam. Tout en pratiquant pourtant jusque-là un rock relativement hermétique (Ultramega OK, 1988), Soundgarden va séduire une major (A&M) qui leur décèle un potentiel commercial. La tentative sera un demi-échec, Soundgarden composant alors des albums incontestablement intéressants mais peu susceptibles de plaire au grand public, tels Louder Than Love (1989) et Badmotorfinger (1991).




Le méga-succès international obtenu par Nevermind de Nirvana à la fin 1991 braque instantanément les projecteurs sur la scène de Seattle et va permettre à Soundgarden d'obtenir un nouveau deal. Cette fois le succès est immédiat et colossal: l'album Superunknown, porté par les singles "Spoonman" et surtout "Black Hole Sun", se classe tout en haut du Billboard la semaine de sa sortie et se vendra au final à plus de 7 millions d'exemplaires dans le monde. L'essai ne sera hélas pas complètement transformé avec son successeur, Down on the Upside (1996) et le groupe implosera dans la foulée pour se reformer quatorze ans plus tard en 2011.




"Jesus Christ Pose" est l'un des morceaux les plus emblématiques de Soundgarden. Single de l'album BadmotorFinger, le clip se fera censurer par MTV en 1991 après quelques diffusions seulement, suspecté de délivrer un message anti-chrétien (alors que la chanson cible en réalité les personnages médiatiques qui utilisent l'image de Jésus-Christ à des fins de communication). Cette censure n'aidera pas vraiment l'album à décoller dans les charts. Coécrit par tous les membres du groupe, ce titre est porté par une rythmique lourde et entêtante, oppressante, répétitive. Chris Cornell assène lui son chant acerbe en abusant des aigus, loin des couplets commerciaux qu'il servira ensuite pour la BO de Casino Royale. Rebelle et maudit, alambiqué et jouissif, "Jesus Christ Pose" fait toujours l'objet, vingt-trois ans après sa sortie, d'une forme de culte underground.

samedi 19 avril 2014

Nine Inch Nails: "Eraser" (Downward Spiral, 1994)




Nine Inch Nails est le projet d'un seul homme, Trent Reznor, informaticien de formation et ingénieur du son, fondateur et seul membre permanent de la formation créée en 1988 à Cleveland. Si Cleveland est une cité industrielle de l’Ohio, on qualifie également en général le style musical développé par NIN d'industriel, ou indus. Dans cette famille, il s'agit de réaliser des expérimentations sonores en utilisant des sons non conventionnels. Si les premiers groupes indus avaient recours à des bruits de casserole ou de moteur, à partir du milieu des années 80 ces sons seront systématiquement triturés et régurgités par l'intermédiaire de l'informatique. Certaines formations en feront un usage radical et n'auront que peu avoir avec le rock'n'roll circus. Trent Reznor trouvera lui le savant dosage et vendra plus de 20 millions d'albums, dont 5 millions de son deuxième opus, The Downward Spiral, paru en 1994.

 Trent Reznor dans son home studio high-tech



Si le premier album de Nine Inch Nails, Pretty Hate Machine (1993) était prometteur par de nombreux aspects, il pêchait en revanche par son côté trop synthétique. Reznor change alors de cap et trouve tout de suite la bonne alchimie. L'EP Broken sorti fin 1993 fait office de ballon d'essai: c'est un succès critique et commercial. Dès lors, l'album suivant était attendu comme le messie dans tout l'underground américain: il convaincra bien au-delà et rentrera directement numéro 2 au Billboard. The Downward Spiral est un album brillant et profondément original, qui compte une bonne demi-douzaine de chefs d’œuvre. Malgré (ou grâce ?) à une esthétique sado-maso largement assumée ainsi que de nombreuses provocations anti-establishment, NIN devient un phénomène mainstream et les teenagers se passionnent pour « March of the Pigs », Closer » ou « Hurt », morceau repris plus tard par Johnny Cash.



« Eraser » est un morceau brillant à tout point de vue. L’intro nous donne à entendre le son d’un souffle répétitif à l’intérieur d’une sorte de flûte de laquelle ne sort aucune note de musique, ce qui contribue à créer une atmosphère particulièrement suffocante. Le morceau se développe ensuite autour d’une trame mélodique typiquement indus: martiale et ample. Quant au chant, il évolue d'un ton de comptine pour enfant à celui de BO d'un film d'horreur. Une expérience intense et un morceau emblématique pour un style musical toujours très largement underground qui ne refait surface commercialement qu'au maximum une fois par décennie.



Retrouvez NIN en concert en France en mai et juin 2014. Attention, le concert  du 29 mai au Zénith de Paris est déjà sold-out.